Le mouvement est toujours un déclencheur, surtout lorsqu'il est mouvement vers un ailleurs, ou un espace de liberté. Je l'ai déjà dit là. Je le redis ici. Car je parcours les notes de mon téléphone et tombe sur des morceaux de voyage.
Un peu des derniers jours
Où je coupe
Où je fuis
Où j'écris
Je vis déjà dans le futur
Profite de l'instant présent
Carpe Diem qu'ils disaient
Tout commence ici
Dans des phrases pré-conçues
Pré-fabriquées
Déjà entendues
Écrire pour éviter de scroller
N'est ce pas fabuleux
affabulation
affabulante
Celle-ci date du 29 avril. Un voyage au long court qui laisse place à la rêverie. Un bus jusqu'à Barcelone, un train pour Saragosse, un autre pour Madrid, puis c'est un bus pour Lisbonne. Entre eux, des nuits à droite à gauche, des villes parcourues sac au dos.
Même voyage raconté par bribes. J'aime écrire comme ça, par petites touches pointillistes mais floues, pour poser rapidement le décor et ses jalons et permettre aux souvenirs de se répandre entre les repères ainsi gravés. Mais ça s'arrête abruptement.
J'aime écrire en mouvement, mais parfois le mouvement laisse peu de place à l'écriture. Nouveau cycle de frustration et de contradictions.
Redescendre vers la gare des bus et me définir un nouvel itinéraire à l'aide de Google maps. Un arc de triomphe. Une longue avenue bordée de verdure qui mène jusqu'à un grand parc. Au bout du parc, port et mer. Mais coincée par des bâtiments, je dois revenir sur mes pas pour espérer atteindre, ne serait-ce que des yeux un morceau d'étendue bleue. Prise par le temps, Marina arrive. Je finis par faire demi-tour sans avoir coché cette case.
Retrouvailles avec Marina. Métro pour Barcelona Sants. Deuxième gare pour deuxième ville. Train Iryo direction Saragosse.
Sensation d'être à l'aéroport. Contrôle. Zone d'embarquement.
Train bruyant. Moins confortable que les trains SNCF.
Saragosse. Un hall de gare immense et vide pour seulement 4 ou 5 voies qui passent en son centre. Florian vient nous chercher. Kevin nous attend à la voiture, celle de son père. Alfa Roméo rouge. Comme ses cheveux. Ils viennent de Pau. La teinture date d'hier. On retrouve notre Airbnb. Une douche, enfin, bonheur !
Si je me veux continuer, il me faut maintenant écrire en puisant dans des souvenirs moins frais. Alors ça viendrait en vrac, au fur et à mesure d'une mémoire qui vit aussi au rythme des photos que j'ai prises, retouchées, qui m'ont marquées.
Après cette douche, il y a eu des petits-dej espagnols, un mariage en plein jour, des retrouvailles, mais je me souviens surtout de la suite du voyage, plus photographié.
Je me souviens de la vue sur le fleuve lisboète dont j'ai oublié le nomJe relis ces mots deux jours plus tard et soudain ça me revient : Le Tage (Léger doute. Qui confirme ?) et qui est comme un bras de mer avec laquelle il se confond. Il est enjambé par un pont qui amène n'importe quel esprit à San Francisco, et dominé par une statue qui le fait maintenant partir à Rio de Janeiro.
Je me souviens des pasteis de nata qu'on a mangé après la visite magique et mystique de ce couvent en ruine, volontairement non reconstruit après l'incendie de Lisbonne en 1400 et des brouettesJe décide délibérément de ne faire aucune recherche google qui étaieraient mes propos, pour rester à 300% ancrée dans mes souvenirs. Un simple aller/retour vers internet pourraient m'en détourner.
Je me souviens du monastère et de cet anglais qui sans raison m'approcha pour me raconter ce qu'il voyait dans les différentes gargouilles. Here a rabbit smoking a pipe.
Je me souviens des ombres au sol. J'aime les ombres.
Je me souviens d'Evora, belle et endormie. J'ai fallit tricher, ne pas écrire cette phrase qui s'est imposée pourtant, car les mots venus spontanément me semblent galvaudés et pas tout à fait adaptés. Mais c'est ici qu'est allé mon esprit...
Je me souviens d'Evora et de son église playmobil.
Et je me souviens, forcément, combien j'aime écouter Césaria Evora, que j'ai redécouverte, forcément, à la faveur d'un voyage au Cap-Vert. Sodade, sodade.
Je me souviens des ombres sur les murs d'Evora. Vous ai-je déjà dit que j'aime les ombres ? Je les aime presque autant que j'aime les fenêtres.
Je me souviens du bus de nuit et ce restaurant de station service qui vivait au milieu de la nuit, pour une pause pipi.
Je me souviens des rues pentues de Lisbonne.
Je me souviens, sur la route pour Evora, de cigognes sur les poteaux électriques.
Je me souviens que je lisais Viendra le temps du feu de Wendy Delorme, qui est le livre que j'évoque ici.